Consommations de substances en Suisse : analyse des tendances à partir des enquêtes HBSC, ESS et CoRolAR. Partie 1 : les substances illégales

Abstract

Sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), la fondation Addiction Suisse et l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive du CHUV (IUMSP) ont mis en commun les données existantes sur la consommation de substances légales (alcool et tabac) et illégales (cannabis, cocaïne, héroïne) issues d’enquêtes en population générale afin de mesurer des tendances de consommation.

Trois études représentatives de la population suisse en termes de poids démographique des cantons, de la pyramide des âges et de l’importance relative des sexes, s’intéressent à la consommation de substances telles que l'alcool, le tabac, le cannabis, la cocaïne et l’héroïne. La première, mise en oeuvre depuis 1986, est l’étude internationale Health Behaviour in School-aged Children (HBSC), menée auprès des élèves âgés de 11 à 15 ans. La seconde, l'Enquête suisse sur la santé (ESS), existe depuis 1992 et s’adresse à la population générale suisse âgée de 15 ans et plus. La troisième enquête, Continuous Rolling Survey of Addictive Behaviours and Related Risks (CoRolAR), est une enquête téléphonique permanente, réalisée entre 2011 et 2016 auprès de la population suisse. Elle s’intéresse spécifiquement à l'évolution des comportements face aux addictions.

A partir d’un modèle statistique robuste et d’une revue non exhaustive de la littérature, ce rapport propose une représentation et une interprétation des tendances de consommation du cannabis, de la cocaïne et de l’héroïne en Suisse de 1992 à 2016, en les différenciant selon le sexe, l’âge, et la cohorte de naissance.

Consommation de cannabis

Les tendances sur le long terme (1997-2016) de consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois se présentent différemment en fonction du sexe. Globalement, la consommation de cannabis des hommes est tout d’abord très supérieure à celle des femmes. Alors qu’elle reste stable chez les femmes sur toute la période, elle augmente chez les hommes entre 2002 et 2016. Dans les pays industrialisés, le modèle de diffusion sociale du cannabis montre que la consommation débute dans les classes les plus éduquées et les hommes, avant de se diffuser dans les classes populaires et chez les femmes sous l’effet d’une normalisation du cannabis. Ce modèle de diffusion, que l’on constate dans plusieurs pays, ne se retrouve pas en Suisse. On observe par ailleurs des différences d’évolution de la consommation de cannabis en fonction des groupes d’âge. La consommation est ainsi stable chez les jeunes de 15 à 19 ans entre 1992 et 2016. Elle augmente chez les femmes âgées de 20 à 24 ans entre 1992 et 2014, ainsi que chez les hommes âgés de 25 à 39 ans entre 1992 et 2016. Ce constat, que l’on retrouve dans d’autres pays européens à forte prévalence de cannabis, peut s’expliquer par une forme de normalisation de la consommation de cette substance.

Quand on compare les évolutions de consommation de cannabis entre différentes cohortes, peu de différences apparaissent. Les résultats mettent ainsi en évidence un pic de consommation de 16 à 18% entre 18 et 21 ans qui ne semble pas se déplacer chez les plus jeunes. Ce pic de consommation vaut également pour une consommation plus régulière au cours des 30 derniers jours. Quelle que soit la cohorte, la consommation de cannabis diminue graduellement,

particulièrement autour de 25 à 30 ans. Cette diminution est plus précoce chez les femmes. La consommation de cannabis apparaît donc liée à une étape spécifique du parcours de vie des personnes et semble influencée par la transition à l’âge adulte.

Consommation de cocaïne

La consommation de cocaïne durant les 12 derniers mois, telle qu’elle est rapportée dans les enquêtes en population générale qui sont utilisées dans le rapport, est peu fréquente. Si elle est restée stable entre 1997 et 2002, elle est en augmentation continue depuis lors, sans différence marquée entre les hommes et les femmes. Cette évolution est similaire à celle observée dans d’autres pays européens ou au niveau mondial et pourrait s’expliquer par un report de la consommation d’autres stimulants (ecstasy par exemple) vers la cocaïne.

Consommation d’héroïne

Comme pour la cocaïne, peu de répondants dans les enquêtes considérées rapportent une consommation d’héroïne. Entre 1997 et 2016, la consommation d’héroïne durant les 12 derniers mois est restée stable, pour les hommes comme pour les femmes.