Etude qualitative sur la consommation récréative de produits stimulants chez quelques jeunes et jeunes adultes du canton de Vaud

Abstract

Selon les recherches européennes et suisses en la matière, c’est dans la tranche d’âge des 19-24 ans que la proportion de consommateurs d’ecstasy/MDMA est la plus élevée (entre 0.9% et 1.8% selon les études). La présente étude se concentre sur cette catégorie de consommateurs. Elle se base sur un corpus de dix entretiens menés entre juin et octobre 2018 avec des individus résidant dans le canton de Vaud, âgés de 23 ans en moyenne et pour la plupart encore étudiants. Le matériau a été retranscrit et codé dans le but de comprendre la consommation récréative de stimulants et ses enjeux.
Ce rapport débute par une synthèse des connaissances actuelles sur la consommation de substances psychoactives en Europe et en Suisse et la consommation dite « récréative » dans le contexte de l’espace festif nocturne (ou NightLife) ; cette revue de littérature ciblée rappelle quelques notions et distinctions utiles par rapport aux modes de consommation et aux substances psychoactives.
Le rapport présente ensuite les résultats de l’analyse des entretiens.
Dans un premier temps, nous analysons les trajectoires des noctambules rencontrés et leurs initiations à la prise de stimulants. Nous mettons en évidence ici l’enjeu que représente l’apprentissage des effets en débuts de « carrières festives », l’importance des groupes de références et des affinités électives entre pairs (goût pour la dance ou la musique techno, lieux de sortie, attrait pour ces produits, etc.) ainsi que la diversité des trajectoires.
Dans un deuxième temps, nous rendons compte de la variété des modes de consommation en soirée. La plupart des personnes juge avoir un bon contrôle des situations en soirée tout comme elle reconnaît prendre des risques en consommant de l’ecstasy/MDMA. L’enjeu des soirées est ainsi marqué par la tension permanente entre l’accès au plaisir individuel et intersubjectif (être « perché ») et le risque de perte de contrôle. La maîtrise de soi en soirée se construit par une vigilance de l’individu sur la qualité du produit, son dosage et les mélanges effectués avec d’autres substances psychoactives. Nous montrons que cette capacité varie en fonction des socialisations festives, des motivations et circonstances de la fête ou encore, plus globalement, des contextes de vie de chacun et de ses responsabilités en dehors de l’espace festif.
Enfin, nous nous intéressons aux lendemains de soirées et aux conséquences de la consommation de stimulants telles que perçues par les interviewés. Les effets secondaires de la fête avec stimulants – perte de moral, perte d’appétit, douleurs physiques par exemple – varient en intensité selon les quantités prises, les mélanges effectués et la durée des sorties. La plupart des personnes rencontrées considère toutefois ces désagréments acceptables en termes de coûts-bénéfices – l’achat d’une ecstasy est relativement bon marché, ses effets durent plus longtemps, sont jugés plus intenses et intéressants que ceux de l’alcool par exemple. Le sentiment de contrôle sur sa consommation se traduit par une certaine « discipline » de soi en soirée (gestion des dosages et quantités), et plus globalement, la capacité à trouver un équilibre satisfaisant entre ses soirées avec et sans consommation de stimulants. Pour quelques personnes toutefois, le cumul d’expériences négatives (surdoses) et de pertes de contrôle les engage vers l’arrêt momentané ou définitif de la consommation de stimulants. Notons enfin que les jeunes rencontrés perçoivent les stands de réduction des risques en soirée de manière plutôt positive.
En conclusion, nous mettons en avant l’idée selon laquelle les pratiques et usages d’ecstasy/MDMA chez ces jeunes noctambules sont orientés par au moins deux tendances fortes : la logique hédoniste d’une part, qui consiste à prendre du plaisir en relative insouciance tout en cadrant sa conduite et ses prises de risques ; la logique échappatoire d’autre part, qui consiste en une prise de drogue plus impulsive et associée à un besoin de sortir pour consommer. Nous invitons enfin à replacer les discours de ces jeunes noctambules et les éventuels paradoxes qui en découlent au sein de la problématique plus générale des parcours de vie et de la construction identitaire.

CAVEAT
Cette étude offre de multiples éclairages sur le vécu des jeunes consommateurs récréatifs d’ecstasy/MDMA. L’utilisation d’extraits d’entretiens a été favorisée pour permettre aux lecteurs d’accéder plus directement à leur univers de sens. Nous invitons toutefois à utiliser ces résultats avec prudence et à les contextualiser le cas échéant (voir 2.3).