- BARRENSE-DIAS Yara
- URBEN Sébastien
- CHOK Lorraine
- SCHECHTER Daniel
- SURIS GRANELL Joan Carles
Exploration du vécu de la pandémie et du confinement dus à la COVID-19 des adolescent·e·s et des parents
Abstract
Les objectifs principaux de cette recherche exploratoire qualitative sont de
- comprendre le vécu des adolescent·es et des parents d’adolescent·es durant la pandémie et le confinement ;
- d’explorer de quelle(s) manière(s) leur vie quotidienne a été affectée et l’impact sur leur bien-être ;
- d’explorer l’effet que cette situation a potentiellement eu sur la conception de leur futur.
Les objectifs secondaires sont
- d’explorer les stratégies mises en place pour réorganiser et vivre le quotidien, et
- d’explorer l’impact sur la relation parents-adolescent·es.
Un total de 41 entretiens individuels (21 jeunes et 20 parents) ont été menés entre août 2020 et janvier 2021. Les parents interrogés, à deux exceptions près, n’étaient pas le parent d’un·e adolescent·e participant à l’étude. La moyenne d’âge des jeunes était de 16.5 ans (14-19 ans) et les filles composaient 57% de l’échantillon. La moyenne d’âge des parents était de 47.5 ans (35-58 ans) et les femmes composaient 74% de l’échantillon.
Une grille d’entretien regroupait les différentes thématiques à parcourir :
- Le virus : connaissance, gravité, ressenti, mesures sanitaires ;
- Le confinement : réactions, compréhension ; activités, rythme de vie, relations sociales, formation et école, règles à la maison ;
- La gestion des émotions, points positifs et négatifs du confinement ;
- La vision du futur personnel, familial et sociétal.
Cette grille d’entretien a légèrement évolué avec le temps afin de prendre en considération la deuxième vague.
Le virus et les mesures sanitaires étaient bien connus des jeunes. En termes de mesures sanitaires, les jeunes participant·es ont démontré une conscience sociale et une solidarité envers les personnes plus vulnérables. La distanciation physique a été la mesure la plus difficile à respecter pour les jeunes, surtout entre eux.elles. Pour beaucoup, la stigmatisation dont ils·elles ont été victimes durant la première vague a été mal vécue et incomprise. De plus, le modèle des adultes ne semble pas avoir été le meilleur par rapport au respect des mesures. Dans cette idée de solidarité, les jeunes n’ont pas ou peu émis de craintes quant au fait de contracter la maladie mais ont très souvent rapporté une peur de transmettre le virus.
Bien que l’annonce du confinement ait généré des réactions positives chez plusieurs jeunes, notamment par rapport au fait de ne plus avoir de cours, la fermeture des écoles a été un choc pour la plupart d’entre eux·elles. Cette mesure a, néanmoins, été comprise par les jeunes, certain·es se demandant alors même pourquoi un deuxième confinement n’avait pas été prononcé ou appelant même à faire un confinement plus long afin d’assurer la fin de cette pandémie. Durant le confinement, le rythme de vie a été modifié, parfois positivement amenant davantage de calme et de quiétude, mais aussi négativement lorsque le temps semblait long et que l’ennui prenait place, démontrant l’effet du temps. Bien que certains parents aient essayé de garder un rythme quant aux heures de sommeil de leur(s) enfant(s), la plupart des participant·es ont rapporté un changement en terme d’heures de coucher et surtout de lever.
L’école à la maison s’est révélée être un défi pour la plupart des jeunes mais aussi pour certains parents étant amenés à aider leur(s) enfant(s). Une désorganisation a été rapportée au tout début du confinement puis un décrochage au fur et à mesure du confinement. Certains parents ont appelé à davantage de soutien et de compréhension de la part des enseignant·es. Un stress conséquent est apparu chez les jeunes en transition dans leur parcours académique. Le deuxième confinement, bien qu’une grande lassitude ait été rapportée par les participant·es, semble s’être mieux déroulé surtout par rapport au fait que les écoles soient restées ouvertes.
La gestion des écrans durant le confinement a été au coeur des discussions. Les écrans ont aidé les jeunes, mais également les parents, à garder le lien avec l’extérieur, bien que les jeunes ont rapporté que les écrans ne remplaçaient en aucun cas les contacts en personne. Une augmentation de l’usage des écrans a été rapportée chez les jeunes, mais également chez les parents. Les temps en famille ont souvent été rapportés, parfois même comme des alternatives aux écrans, des alternatives très appréciées par la plupart des jeunes. Les activités en extérieur, notamment grâce à la météo clémente lors du premier confinement, ont permis de vivre cette période plus sereinement, que cela soit pour les parents ou les jeunes.
Nous avons relevé plusieurs stratégies d’adaptation afin de mieux vivre le confinement : établir une organisation pour la vie en communauté et assurer un rythme de vie, créer de nouveaux moyens de se saluer, essayer des nouvelles activités, ne plus regarder les informations ou se permettent de ne voir que certain·es ami·es en personne. Des sentiments d’ennui, de solitude et de lassitude ont, néanmoins, été rapportés par plusieurs jeunes. Nous avons également relevé une pression de bien réussir son confinement.
Les projections futures sont devenues difficiles, que cela soit pour les jeunes ou les parents. Pour l’avenir, des inquiétudes ont été émises par les jeunes, surtout par rapport à leur perspective académique. Néanmoins, ces craintes concernaient avant tout un avenir proche démontrant que les jeunes vivent davantage cette pandémie au jour le jour et ne projettent pas forcément sur le long terme. Les jeunes ont peu mentionné de craintes quant à l’avenir de leur famille et encore moins quant à l’aspect économique. Pour les parents, l’avenir de leur(s) enfant(s) faisait partie de leurs plus grandes craintes.
Les personnes qui vivaient déjà des situations problématiques avant la pandémie ont vu leurs difficultés augmenter durant cette période. La crise sanitaire a amplifié les écarts déjà existants en termes d’inégalités et de besoins entre les individus. Alors qu’ils·elles ont été les grand·es oublié·es de cette pandémie, les adolescent·es sont pourtant les adultes de demain et devront, immanquablement, continuer à vivre et à se construire avec les conséquences de cette crise sanitaire. L’adolescence étant déjà une phase de vie transitoire pouvant présenter de nombreux défis, notamment au niveau développemental, il est essentiel d’accompagner, de soutenir et d’écouter les jeunes pour éviter les souffrances psychiques post-pandémiques et des débuts difficiles dans une vie d’adulte.