Première évaluation du programme vaudois de dépistage du cancer colorectal, 2015-2020

Abstract

Le dépistage permet de diminuer efficacement la mortalité par cancer colorectal. Le canton de Vaud a lancé un programme organisé de dépistage de ce cancer en 2015. Les vaudois·e·s de 50 à 69 ans ont le choix entre une coloscopie tous les dix ans ou un test immunologique de recherche de sang occulte (FIT) tous les 2 ans.

Comme action de santé publique, le programme vaudois doit satisfaire aux recommandations de qualité émises par la Commission européenne et aux normes suisses qui visent à maximiser l’efficacité et minimiser les effets adverses du dépistage. Ce rapport, qui couvre les 6 premières années d'activité (2015-2020), est à la fois la première évaluation du programme vaudois et la première évaluation épidémiologique en Suisse d’un programme de dépistage du cancer colorectal.

A fin juin 2021, le programme était déployé à 95%, conformément à l'échéancier prévu sur 7 ans. La couverture par invitation des 180'000 vaudois·e·s ciblé·e·s devrait s'achever en 2022. L’activité de dépistage croît fortement: en 2020, 12'000 consultations médicales d'éligibilité ou d'inclusion et plus de 10'000 dépistages ont été réalisés, dont près de 5000 coloscopies, soit le seuil maximal de capacité réalisable déterminé initialement pour le contexte vaudois.

La participation globale, inclusions par le médecin sans invitation du programme comprises, avoisine les 25%, alors que la participation sur invitation est d'environ 15%. Bien que ces taux soient quelque peu sous-estimés, faute d'informations sur l'éligibilité présumée des non-répondant·e·s, la participation n'atteint vraisemblablement pas le seuil minimal recommandé (45%). La participation varie fortement entre les districts du canton (15 à 31%) et les femmes semblent légèrement plus enclines à se faire dépister, notamment par FIT. Si la coloscopie et le FIT sont choisis de façon globalement équilibrée, on observe de larges différences géographiques (selon le district de résidence, entre 24 et 66% optent pour la coloscopie), largement expliquées par le délai de réalisation de la coloscopie.

Entre 2015 et 2020, le programme vaudois a permis de diagnostiquer 5710 lésions néoplasiques (133 cancers colorectaux, 1467 adénomes avancés et 4130 adénomes non avancés). Pour 1000 participant·e·s (464 FIT et 536 coloscopies), cela se traduit par la détection de 4 cancers, 47 adénomes avancés et 131 adénomes non-avancés. La qualité du programme, notamment les performances des coloscopies, et le degré de précocité des cancers dépistés satisfont les normes.

Cette évaluation a mis en évidence quelques longs délais dans la réalisation des coloscopies diagnostiques (excède 3 mois pour un FIT positif sur 4) et la prise en charge des cancers (excède 1 mois une fois sur 3), ainsi que dans l'accès à la coloscopie de dépistage (10 mois depuis l'invitation), même si ces différents délais ont substantiellement diminué en 2019-2020.

Ces constats mènent à 3 recommandations :

1) Orienter prioritairement vers le FIT par une communication ciblée, notamment les personnes de moins de 55 ans, afin d’éviter une saturation de la capacité en coloscopie de dépistage;

2) Planifier et, si besoin, centraliser les places nécessaires à une réalisation rapide des coloscopies diagnostiques afin de réduire le délai de diagnostic et de prise en charge ;

3) Planifier une campagne de sensibilisation différée dans le temps, orientée sur le FIT afin d’augmenter la participation sans accentuer la charge en coloscopies.

Une quatrième recommandation porte sur le constat d'un développement inabouti du logiciel national MC-SIS mis à disposition du programme vaudois et de l'absence de stratégie de documentation et de gestion des données. Ceci requiert de systématiser, centraliser et documenter les informations saisies afin de disposer de données complètes et de qualité, nécessaires pour une évaluation efficiente et exhaustive des divers aspects du programme. Le recul de cette première évaluation est insuffisant pour apprécier l’effet de l’inclusion directe au programme par les pharmacies, comparer la performance de plusieurs dépistages par FIT à celle de la coloscopie ou analyser les cancers d'intervalle du programme.

Groupe de recherche lié : Épidémiologie du cancer (GEPIC)