- BRAENDLE Karen
- GERMANN Simon
- MASPOLI Manuela (Registre neuchâtelois et jurassien des tumeurs)
- JORDAN Andrea (Krebsregister Bern Solothurn)
- BULLIARD Jean-Luc
Evaluation du programme de dépistage du cancer du sein des cantons de Jura, Neuchâtel et du Jura bernois, 2005-2017
Abstract
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent et le plus mortel chez la femme. Dans les cantons du Jura et de Neuchâtel, 200 femmes en sont atteintes et 45 en décèdent chaque année. Le dépistage par mammographie reste le seul moyen avec une efficacité démontrée pour diminuer son impact.
Le programme BEJUNE, en fonction depuis mai 2005 dans le canton du Jura, 2007 dans le canton de Neuchâtel et 2009 pour l’arrondissement du Jura bernois, promeut et organise l’action de dépistage auprès de la population féminine de 50 à 69 ans des régions concernées. Depuis 2014, le programme a été étendu aux femmes jusqu’à 74 ans.
Des évaluations indépendantes et régulières permettent de s’assurer que la qualité et l’efficacité d’un programme de dépistage répondent à des normes internationales. L’évaluation du programme BEJUNE a été confiée au Département Epidémiologie et systèmes de santé du Centre universitaire de médecine générale et santé publique à Lausanne (Unisanté), en charge de l’évaluation de nombreux programmes de dépistage en Suisse.
Ce rapport décrit l’évolution de l’activité du programme depuis son début jusqu’en 2017 (section 2) et analyse son utilisation (section 3), sa qualité (section 4) et son efficacité (section 5). Pour la première fois, il traite les participantes de 70 à 74 ans et évalue les cancers d’intervalle du programme. Les résultats présentés dans ce rapport se basent sur 143’000 mammographies et près de 44’000 femmes.
Le nombre annuel de mammographies effectuées dans le programme BEJUNE augmente depuis 2005, avec un plateau entre 2011 et 2015. Les R2 interprètent depuis 2015 près de 5000 lectures par an, surpassant largement les normes recommandées en Suisse. Grâce à la collaboration avec le programme bernois, le volume de lectures des radiologues 1e lecteurs (R1) satisfait également les normes.
La participation au programme de six femmes sur dix (cantons du Jura et de Neuchâtel, période 2014-17 : 63,6% et 61,9%), dont neuf reviennent régulièrement, est comparativement élevée dans le contexte suisse. La participation est plus basse chez les femmes dont le résultat du dépistage précédent était un faux-positif, celles de 70 à 74 ans, dans les régions les moins peuplées et l’arrondissement du Jura bernois (44,1%). La hausse de la participation en première invitation devrait augurer de tendances participatives favorables. En tenant compte du dépistage hors programme, la couverture par mammographie de la population féminine de la région BEJUNE approche les normes européennes.
Les indicateurs de qualité des lectures, en termes de taux de reconvocation, de faux-positifs et de détection respectent les normes européennes avec des valeurs plus favorables que la moyenne suisse. Ces performances se sont améliorées en tour incident jusqu’en 2014. Une légère tendance inverse apparaît depuis avec une augmentation des taux de reconvocation et de faux-positifs.
La fréquence des cancers d’intervalle du programme BEJUNE satisfait la norme européenne de qualité en première mais pas pour la deuxième année après le dépistage. Leur fréquence est plus élevée que dans les autres programmes suisses évalués à ce jour.
Les performances en termes d’efficacité et de précocité diagnostique atteignent globalement les normes européennes, sont stables dans le temps et comparables aux autres programmes suisses. La comparaison des profils cliniques des cancers dépistés avec les cancers d’intervalle et les cancers diagnostiqués sur une base symptomatologique confirme une détection de cancers à un stade et avec un profil pronostic plus favorables dans le cadre du programme de dépistage.
Le premier bilan des résultats pour les femmes de 70 à 74 ans est encourageant. La qualité des lectures radiologiques s’améliore avec l’âge de sorte que les performances qualitatives sont supérieures à celles observées chez les femmes plus jeunes La précocité diagnostique des cancers dépistés est similaire à celle mesurée chez les femmes de 50 à 69 ans. Ces résultats sont pondérés par un niveau de participation et de fidélisation plus bas et une fréquence relative des cancers d’intervalle plus élevée (basée sur un faible effectif). Plus de recul est nécessaire pour évaluer fiablement les bénéfices et risques du dépistage après 69 ans.
Les performances récentes du programme se traduisent, pour 1000 participations, par 968 résultats de mammographie normaux (vrais négatifs), 25 résultats faussement positifs (dont 5 donnent lieu à un examen invasif), 5 cancers dépistés (1 in situ, 3 de stade précoce et 1 de stade avancé) et 2 cancers d’intervalle (sensibilité du programme: 70,1% ; spécificité du programme: 97,7%).
Trois recommandations accompagnent ce rapport:
• Une surveillance plus rapprochée de la fréquence des cancers d’intervalle.
• Une documentation plus rigoureuse et systématique des informations cliniques sur les cancers, avec un contrôle rétrospectif de qualité
• Une documentation systématique des mesures et des stratégies mises en place pour améliorer la qualité du programme.