Remise de la contraception d’urgence en pharmacie : une étude qualitative sur l’expérience des clientes

Abstract

La contraception d’urgence (CU) ou pilule du lendemain est utilisée et accessible depuis plus de 30 ans en Suisse. Si, au début de son introduction dans les années 80, la CU n’était remise que sur prescription médicale, son accès a été libéralisé en 2002. Depuis, sa remise peut être faite en pharmacie sans ordonnance moyennant un entretien confidentiel avec un·e pharmacien·ne tenu·e de suivre un protocole strict de remise. Cette procédure était initialement prévue pour les adolescentes âgées de 16 ans ou plus. Cependant, des expert·e·s ont régulièrement recommandé et ont même fait juridiquement valider que son accès soit également autorisé aux filles de moins de 16 ans, après examen de leur capacité de discernement.
L’entretien qui doit être mené lors de la remise de la CU en pharmacie doit être objectif et sans jugement. II doit également permettre de transmettre des informations sur la sexualité de manière générale, les moyens de protection / contraception et les infections sexuellement transmissibles. Malgré une procédure stricte et détaillée, l’attitude de certains professionnel-le-s et l’aménagement des espaces conseils des pharmacies sont parfois remis en question, notamment lors de témoignages de jeunes femmes ayant ressenti des discours moralisateurs, des questions intrusives et de la gêne au moment de la demande et de l’entretien. Au vu des témoignages et rappels du cadre de différent groupes d’expert·e·s vis-à-vis des pharmacies dans le cadre de la remise de la CU, nous avons décidé de mener une recherche qualitative afin d’explorer les opinions et perceptions des jeunes femmes s’étant rendues en pharmacie dans le but d’obtenir une CU. Pour ce faire, nous avons exploré plusieurs éléments relatifs à cette remise de CU en pharmacie tels que l’accueil au moment de la demande, la conduite de l’entretien, l’attitude de la/du pharmacien·ne, la place du partenaire etc.
Ainsi, 30 entretiens individuels en face à face ont été mené entre avril et août 2019 avec des jeunes femmes s’étant rendues en pharmacie dans le canton de Vaud pour obtenir une CU entre 2014 et 2019. Trois groupes ont été créés par rapport à l’âge de la première remise de CU en pharmacie : avant 16 ans (n=9) ; entre 16 et 18 ans (n=11) et après 18 ans (n=10). Voici les thèmes principaux soulevés et discutés par les participantes : les raisons de se rendre en pharmacie, les avantages et inconvénients, l’accueil au guichet, la conduite de l’entretien, les jugements, la prise de la CU, le prix de la CU, l’accompagnement, les plannings familiaux et la prévention.
La pharmacie comme lieu de remise de CU est un lieu très pratique et apprécié pour plusieurs aspects : une grande accessibilité, un temps d’attente court, des horaires étendus, etc. Pouvoir proposer la CU aux jeunes femmes par ce biais est une grande opportunité pour la prévention des grossesses non désirées et peut, également, permettre de transmettre des messages de prévention quant aux IST. Néanmoins, certains points nécessitent une réflexion et une adaptation afin d’éviter qu’ils ne deviennent une barrière pour les jeunes femmes. Plusieurs pistes d’amélioration peuvent être proposées au terme de cette étude : améliorer les informations et les connaissances des jeunes femmes quant à la procédure de remise de CU en pharmacie, améliorer et systématiser les informations à donner durant l’entretien, diminuer la gêne et stopper les jugements, sensibiliser les jeunes hommes à la CU et à cette procédure, mener une réflexion autour du prix de la CU, intégrer les pharmacien·ne·s dans la réflexion autour de la remise de CU en pharmacie.

Projet de recherche ou mandat lié : Etude sur la contraception d'urgence