- SIMONSON Thomas
- PIN Stéphanie
TABAC-ALCOOL: Évaluation du projet du CIPRET Vaud "Aborder le tabagisme via d’autres problèmes de santé"
Abstract
Dans le cadre du programme de prévention du tabagisme 2014-2017 cofinancé par le canton et le Fonds de prévention du tabagisme, le CIPRET-Vaud conduit un projet Aborder le tabagisme via d'autres problèmes de santé visant à apporter une prise en charge spécifique à des personnes fumeuses particulièrement vulnérables en raison d'autres problèmes de santé. Un sous-projet, Tabac-alcool, a été développé afin de favoriser la prise en charge du problème du tabagisme chez les personnes alcoolodépendantes traitées en milieu résidentiel. Deux groupes cibles sont visés, l'un direct, l'autre indirect. Le groupe cible direct est constitué des professionnelles et professionnels socioéducatifs des établissements résidentiels en traitement alcoologique. Le projet vise à les sensibiliser à la problématique, à les former et à les outiller pour offrir aux résidents de leurs centres (1) une information de qualité sur la co-consommation de tabac et d'alcool, (2) une aide spécifique et adaptée, et (3) une orientation éventuelle vers des services spécialisés. Le groupe cible indirect est constitué des résidents de ces établissements.
Les objectifs du projet Tabac-alcool tels que définis au démarrage du projet sont les suivants:
- Fin 2016, les professionnelles et professionnels de trois établissements résidentiels pour personnes alcoolo-dépendantes sont informés et sensibilisés aux liens existant entre la consommation d'alcool et de tabac et sont outillés pour aborder la question dans leur pratique.
- Fin 2016, les personnes dépendantes à la fois au tabac et à l'alcool et traitées en résidentiel (trois établissements) sont informées et sensibilisées sur le lien existant entre le tabac et l'alcool. Parmi elles, les personnes intéressées ont accès à une aide à l'arrêt du tabagisme spécifique et adaptée à leur situation.
Afin de répondre à ces objectifs, le projet devait entreprendre la production de matériel d'information à l'intention des résidentes et résidents, la production d'un guide à l'intention des professionnelles et professionnels accompagnant ces personnes, la mise sur pied de séances d’information pour les professionnelles et professionnels ainsi que le développement d'ateliers d'information et de sensibilisation à l'intention des résidentes et résidents. Trois établissements du secteur résidentiel (Fondation Les Oliviers, Fondation Estérelle-Arcadie et Fondation l’EPI) ont participé au projet.
La présente évaluation a pour objectif d’apprécier l’atteinte de ces objectifs. Elle doit également permettre d’explorer l’attitude des professionnelles et professionnels du milieu alcoologique résidentiel par rapport à la prise en charge conjointe des problèmes de consommation d'alcool et de tabac chez leurs résidentes et résidents et l’appréciation de ces professionnelles et professionnels par rapport au matériel qui leur est proposé.
Un design évaluatif mixte a été mis en place combinant un entretien avec la personne responsable du projet au CIPRET-Vaud, des entretiens semi-directifs auprès des responsables d’établissement ou des référents tabac au sein des établissements (n=3) et une enquête en ligne auprès des collaboratrices et collaborateurs des établissements (n=54 ; taux de participation: 81%).
Les activités prévues dans le cadre du projet Tabac-Alcool ont été mises en place dans les trois établissements concernés, conformément au projet initial: des formations ont été organisées, des personnes référentes Tabac ont été nommées dans chacun des établissements et, dans deux d’entre eux, des ateliers ont été réalisés auprès des résidentes et résidents. Les personnes référentes des établissements interrogées soulignent l’intérêt et la motivation des collaboratrices et collaborateurs à l’égard de la démarche entreprise: selon eux, la consommation de tabac est un sujet discuté, au moins ponctuellement, par les collaboratrices et collaborateurs avec des résidentes et résidents. Le matériel d’information conçu par le CIPRET-Vaud est remis ou mis à leur disposition. En revanche, les tentatives d’arrêt sont rares et se sont soldées, à une exception près, par un échec.
Parmi les collaboratrices et collaborateurs ayant répondu à l’enquête, un peu moins de la moitié déclarent avoir suivi la formation organisée par le CIPRET-Vaud, avec une appréciation légèrement supérieure à la moyenne (3.3/5). Seule une petite proportion des répondants connaissent le guide à l’intention des professionnelles et professionnels, sans forcément l’avoir lu ni même parcouru ; l’appréciation globale est moyenne (3.5/5). La brochure à l’égard des résidentes et résidents est connue d’une proportion un peu plus importante de collaboratrices et collaborateurs participant à l’enquête qui, pour 39% d’entre eux, l’ont parcourue et pour 24% l’ont lue. L’appréciation est également moyenne (3.3/5).
Quatre collaboratrices ou collaborateurs sur dix, parmi ceux qui ont participé à l’enquête en ligne, déclarent que la prise en charge du tabagisme est très ou extrêmement importante à leurs yeux. La quasi-totalité des répondants déclarent se sentir à l’aise pour questionner sur un résident quant à son intention d’arrêt du tabac et un peu plus de la moitié se sentent à l’aise pour fournir une aide individuelle à l’arrêt du tabac. Toutefois, la mise en oeuvre d’activités visant à encourager l’arrêt du tabagisme est rare: 19% des répondants déclarent systématiquement avoir fourni un conseil minimal aux personnes n’étant pas prêtes à arrêter de fumer et 44% déclarent n’avoir que rarement ou jamais aidé des personnes souhaitant arrêter. Enfin, un quart des répondants ont déclaré avoir utilisé le guide à l’intention des professionnelles et professionnels pour préparer un entretien avec une résidente ou un résident sur le thème du tabac.
Les points forts du projet Tabac-Alcool, tels que relevés par les collaboratrices et collaborateurs interrogés dans l’enquête en ligne, sont son impact potentiel pour les résidentes et résidents et sur la qualité de l’information offerte. Le partenariat entre le CIPRET-Vaud et le secteur résidentiel est également vu comme un atout, de même que l’approche participative et non stigmatisante adoptée. En revanche, des aspects organisationnels et financiers sont avancés pour expliquer les difficultés à déployer le projet auprès des collaboratrices et collaborateurs ; un manque d’intérêt de la part des résidentes et résidents et une absence d’intégration du projet Tabac-Alcool dans la politique générale de l’établissement sont également relevés.
On constate également des disparités entre établissements concernant l’appréciation des documents proposés et la mise en oeuvre d’activités visant à encourager l’arrêt du tabac, évoquant également des facteurs organisationnels (taille de l’établissement notamment) et sans doute culturels (arrêt du tabac perçu comme non prioritaire) qu’il s’agirait d’approfondir.
En conclusion, et malgré une bonne appréciation du matériel proposé par le CIPRET-Vaud dans le cadre du projet Tabac-Alcool, celui-ci se heurte à des difficultés de déploiement auprès des collaboratrices, des collaborateurs, des résidentes et des résidents.